nous attaquent ? » me demanda le Directeur, d’un ton de confidence.
« J’étais d’avis qu’ils n’attaqueraient pas, pour diverses raisons manifestes. Le brouillard épais en était une. Pour peu qu’ils s’écartassent de la rive dans leurs pirogues, ils se seraient trouvés perdus, comme nous l’eussions été nous-mêmes, si nous avions tenté de bouger. De plus il m’avait paru que la brousse de chaque côté était tout à fait impénétrable, et pourtant il y avait des yeux là-dedans, des yeux qui nous avaient vus ! Le taillis au long des berges sans doute était très épais, mais derrière celui-ci, le sous-bois était évidemment plus accessible. Quoi qu’il en fût, durant la brève éclaircie, je n’avais nulle part aperçu de pirogues sur le fleuve, il n’y en avait assurément pas à la hauteur du navire. Mais ce qui rendait l’éventualité d’une attaque inadmissible à mes yeux, c’était la nature même du bruit, des cris que nous avions entendus. Ils n’avaient pas le caractère farouche qui présage une immédiate intention hostile. Si inattendus, sauvages et violents qu’ils eussent été, ils m’avaient donné une impression irrésistible de douleur. L’apparition du vapeur avait pour je ne sais quelle raison rempli ces sauvages d’une peine infinie. Le danger, s’il y en avait un, expliquai-je, résultait plutôt de la proximité où nous étions d’une grande passion déchaînée. L’extrême douleur elle-même peut finir