autres messieurs qui venez de ces grands navires !… Enfin ! je crois que vous ferez l’affaire. Embarquez demain.
« J’embarquai le lendemain. Il y a de cela vingt-deux ans : et j’avais tout juste vingt ans. Comme le temps passe ! Ce fut l’un des jours les plus heureux de ma vie. Imaginez-vous ! Lieutenant pour la première fois ! Officier réellement responsable ! Je n’aurais pas donné mon nouveau poste pour tout l’or du monde. Le second m’examina attentivement. Il était vieux, lui aussi, mais d’une autre allure. Il avait un nez romain, une longue barbe d’une blancheur de neige, et se nommait Mahon, mais il tenait à ce qu’on prononçât Mann. Il était, de bonne famille : mais il n’avait pas eu de chance, et il n’avait jamais pu avancer.
« Pour ce qui est du capitaine, il avait servi des années à bord de caboteurs, puis dans la Méditerranée, et enfin sur la ligne des Antilles. Il n’avait jamais doublé les caps. C’est tout juste s’il savait écrire et il n’y tenait guère. Bien entendu, très bons marins l’un et l’autre, et entre ces deux vieux-là je me faisais l’effet d’un petit garçon entre ses deux grand-pères.
« Le navire aussi était vieux. Il s’appelait Judée. Drôle de nom, hein ? Il appartenait à un certain Wilmer, Wilcox, — quelque chose dans ce genre-là : mais voilà vingt ans que l’homme a fait faillite et est mort, et son nom importe peu. La Judée