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le nom était plus long. — Dépêchez-vous ! De quoi faire ?… De monter le fleuve ?… — Approchez avec précaution. — Nous n’en avions rien fait, mais la recommandation ne pouvait viser l’endroit où il n’était possible de la trouver qu’après avoir déjà approché. Quelque chose de grave plus haut, sans doute !… Mais quoi ! — et jusqu’à quel point ?… Telle était la question. Nous accueillîmes avec des commentaires désapprobateurs ce style télégraphique. La brousse, à l’entour, ne disait rien et du reste ne permettait guère d’aller voir bien loin. Un rideau déchiré de cotonnade rouge pendait au seuil de la case et nous battait tristement au visage. L’habitation était en ruines, mais on voyait qu’un blanc y avait vécu naguère. Il restait une table grossière — une planche sur deux montants ; un tas de détritus s’amoncelait dans un coin sombre, et près de la porte, je ramassai un livre. Il n’avait plus de couverture et à force d’avoir été feuilletées, les pages, avaient pris une espèce de mollesse extrêmement crasseuse, mais le dos avait été recousu avec amour à l’aide de coton blanc qui avait encore l’air propre. C’était une trouvaille extraordinaire. Elle avait pour titre : Recherches sur quelques Problèmes de Navigation, par un nommé Tower, Towson, un nom de ce genre, capitaine de la Marine Britannique. Le sujet paraissait austère à souhait, avec ses diagrammes explicatifs et de déprimants tableaux de chiffres,