débuté dans la vie par la marine marchande. Le lien puissant de la mer nous unissait tous les cinq et aussi cette camaraderie du métier, qu’aucun enthousiasme, si vif qu’il puisse être pour le yachting, les croisières ou autres choses de ce genre, ne peut faire naître, car tout cela ce n’est que le divertissement de la vie, tandis que l’autre, c’est la vie même.
Marlow (je crois du moins que c’est ainsi que s’écrivait son nom) nous faisait le récit, ou plutôt la chronique, d’un de ses voyages.
— Oui, j’ai bourlingué pas mal dans les mers d’Extrême-Orient : mais le souvenir le plus clair que j’en ai conservé, c’est celui de mon premier voyage. Il y a de ces voyages, vous le savez vous autres, qu’on dirait faits pour illustrer la vie même, et qui peuvent servir de symbole à l’existence. On se démène, on trime, on sue sang et eau, on se tue presque, on se tue même vraiment parfois à essayer d’accomplir quelque chose, — et on n’y parvient pas. Ce n’est pas de votre faute. On ne peut tout simplement rien faire, rien de grand ni de petit, — rien au monde, — pas même épouser une vieille fille, ni conduire à son port de destination une malheureuse cargaison de six cents tonnes de charbon.
« Ce fut à vrai dire une affaire mémorable. C’était mon premier voyage en Extrême-Orient, et mon premier voyage comme lieutenant : c’était aussi