tout bonnement à me tirer les vers du nez. Il ne cessait de faire allusion à l’Europe, aux gens que j’étais censé y connaître, posant des questions insidieuses sur mes relations dans la ville sépulcrale et ainsi de suite. Ses petits yeux brillaient de curiosité comme des disques de mica, bien qu’il essayât de garder quelque apparence de détachement. Je fus étonné tout d’abord : je me sentis bientôt curieux de démêler ce qu’il attendait de moi. Je ne voyais vraiment pas ce qu’il pouvait y avoir en moi qui valût tant de peine. C’était ma foi assez drôle les illusions qu’il se faisait, car, en vérité, mon corps n’était plein que de frissons et ma tête que de l’histoire de ce satané vapeur. Il n’est pas douteux qu’il me prenait pour un impudent arriviste. À la fin, il perdit patience et pour dissimuler un mouvement de dépit violent, il se mit à bâiller. Je me levai. À ce moment je remarquai une petite esquisse à l’huile, représentant sur un panneau de bois, une femme, drapée et les yeux bandés, portant une torche allumée. Le fond était sombre, presque noir. Le mouvement de la femme était imposant et l’effet de la torche, sur le visage, sinistre.
« Cela m’intéressa et il resta debout près de moi, poliment, tenant la demi-bouteille à champagne (voir toniques médicinaux !) dans laquelle la bougie était fichée. À la question que je lui posai, il répondit que M. Kurtz avait peint cela, dans