« Un jour, il remarqua, sans lever la tête : « Dans l’intérieur, vous rencontrerez certainement M. Kurtz. » Comme je lui demandais qui était M. Kurtz, il me dit que c’était un agent de premier ordre et constatant mon désappointement à cette information sommaire, il déposa son porte-plume et ajouta lentement : « C’est un homme très remarquable… » Après force questions je finis par apprendre que M. Kurtz dirigeait un poste de traite, très important, dans le vrai pays de l’ivoire, « au fin fond là-bas. » « Il nous envoie autant d’ivoire que tous les autres réunis. » Il se remit à écrire. L’homme malade était trop accablé pour gémir. Les mouches bourdonnaient dans une grande paix.
« Soudain, il y eut un murmure grossissant de voix et un grand bruit de piétinement. Une caravane venait d’arriver. Un jacassement violent, aux sonorités barbares, éclata de l’autre côté des planches. Tous les porteurs parlaient à la fois, et au milieu du vacarme, on distinguait la voix lamentable de l’agent principal qui « y renonçait » pour la vingtième fois ce jour-là. Il se leva avec lenteur : « Quel terrible vacarme !… » Il traversa la pièce avec précaution pour jeter un coup d’œil sur le malade et revenant vers moi : « Il n’entend plus, fit-il. — Quoi, est-il mort ! m’exclamai-je, saisi. — Non, pas encore, » répondit-il avec un grand calme. Ensuite faisant d’un signe de tête allusion au tumulte de la cour : « Quand on a à passer