ment à terme, dépaysés dans un milieu contraire, soumis à un régime inaccoutumé, ils ne tardaient pas à dépérir, cessaient d’être utiles et dès lors étaient autorisés à se traîner jusqu’ici et à reposer. Ces formes moribondes étaient libres comme l’air et presque aussi diaphanes. Je commençai à distinguer la lueur de leurs yeux sous les arbres. Ensuite en regardant à mes pieds, j’aperçus un visage tout près de ma main. La noire ossature était étendue de toute sa longueur, l’épaule contre un arbre ; avec lenteur, les paupières se soulevèrent ; les yeux creux me considérèrent, énormes et vides : il y eut une sorte de clignotement aveuglé dans la profondeur des orbites, elle s’éteignit peu à peu. L’homme ne semblait pas âgé, presque un jeune homme, — mais avec ces gens-là sait-on jamais !… Je ne trouvai rien de mieux à faire que de lui tendre un de ces excellents biscuits de mer suédois que j’avais dans ma poche. Les doigts se fermèrent lentement sur lui et le retinrent. Il n’y eut ni un autre mouvement ni un autre regard. Il avait un bout de laine noué autour du cou. — Pourquoi ? — Et d’où le tenait-il ?… Était-ce un insigne, un ornement, un fétiche, une façon d’acte propitiatoire ? Y avait-il là une intention quelconque ? Il avait l’air saisissant sur ce cou noir, ce bout de cordon blanc venu de par-delà les mers.
« Près du même arbre, deux autres paquets d’angles aigus étaient tapis, les jambes remontées.