n’aperçût l’embouchure du grand fleuve. Nous jetâmes l’ancre en face du siège du Gouvernement. Mais mon rôle ne devait commencer qu’à quelques trois cents kilomètres plus loin. C’est pourquoi, aussitôt qu’il fut possible, je gagnai un endroit à trente milles en amont.
« Je fis le voyage sur un petit vapeur de haute mer. Le capitaine, un Suédois, en apprenant que j’étais marin, m’invita à monter sur la passerelle. C’était un jeune homme, maigre, blond, morose, avec des cheveux raides et une allure traînarde. Comme nous quittions le misérable petit wharf il désigna la rive d’un hochement méprisant : « Vous êtes descendu là ?… » Je lui dis que oui. « Fameux, ces types du Gouvernement, pas vrai ? » continua-t-il. Il parlait anglais avec une grande précision et une remarquable amertume : « Étrange ce que certaines gens consentent à faire pour quelques francs par mois… je me demande ce qu’il advient à ces gens-là lorsqu’ils s’avancent dans l’intérieur !… » Je répondis que je comptais bien être fixé là-dessus avant longtemps : « Avant longtemps ! » s’écria-t-il. Il traversa le pont en traînant la semelle, sans quitter la route des yeux. « Ne soyez pas si sûr de votre affaire… L’autre jour, j’en ai chargé un qui s’est pendu en route. Et c’était un Suédois !… — Pendu ! m’écriai-je. Et pourquoi, grands dieux ! » Il ne détourna pas son regard vigilant. « Que sais-je !… Sans doute en