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la maison était éveillée et plus animée que de coutume. Dans un bruit confus d’allées et venues, on entendait héler des domestiques. Il s’aperçut avec chagrin que la porte de sa chambre était grande ouverte, bien que les persiennes en fussent encore closes. Il avait espéré que son escapade matinale passerait inaperçue. Il croyait trouver un domestique dans la chambre, mais un rayon de lumière filtré par une fente des volets lui laissa distinguer sur un divan bas une masse confuse, où il crut déceler deux silhouettes de femmes étroitement embrassées, et d’où sortaient mystérieusement des sanglots et des murmures désolés. Le général d’Hubert poussa violemment les volets de la plus proche fenêtre. Une des femmes bondit. C’était sa soeur. Elle resta un instant immobile, les cheveux sur le dos et les bras levés au-dessus de sa tête, puis, avec un cri étouffé, elle se jeta contre sa poitrine. Il lui rendit son étreinte, tout en s’efforçant de se dégager. L’autre femme ne s’était pas levée, et semblait au contraire se tapir davantage sur le divan, et cacher son visage dans les coussins. Sa chevelure défaite également était d’un blond admirable. Le général d’Hubert la reconnut avec une émotion poignante. Mademoiselle de Valmassigue ! Adèle ! dans une pareille détresse !

Fort inquiet, il s’arracha délibérément à l’étreinte de sa sœur. Madame Léonie étendit alors son beau bras nu sous la manche du peignoir, et montrant le divan d’un geste tragique :

— Cette pauvre enfant terrifiée est accourue ici, de chez elle à pied ; une demi-lieue en courant tout le temps.

— Qu’est-ce qui a donc pu arriver ? demanda le général d’Hubert d’une voix basse et agitée.

Madame Léonie continuait intrépidement :

— Elle a sonné à la grande porte, et éveillé toute la maison. Nous dormions encore tous. Tu peux imaginer