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quelques éclaircissements utiles. L’objet le plus intéressant de cette perquisition fut le journal du malheureux, car cet homme, engagé dans sa sinistre besogne, avait la faiblesse de consigner, au jour le jour, des souvenirs parfaitement accablants. Nous avions à nu, devant nous, ses actes et ses pensées. Mais peu importe aux morts : ils ne se soucient plus de rien.

« Par conviction. » Oui. Un humanitarisme vague mais ardent l’avait jeté dès sa première jeunesse aux plus amères extrémités de la négation et de la révolte. Plus tard, son optimisme avait faibli. Il doutait et fut perdu. Vous avez entendu parler d’athées convertis, qui se transforment souvent en fanatiques dangereux, bien que leur âme reste la même. Après qu’il eut fait connaissance de la jeune fille, il confia à son journal d’assez plaisantes divagations politico-amoureuses. Il accueillait avec un sérieux achevé des grimaces souveraines. Il rêvait de convertir sa Dulcinée. Au surplus, tout ceci ne vous intéresse pas. Quant au reste, je ne sais si vous vous souvenez de ce « Mystère d’Hermione Street » qui fit quelque bruit dans les journaux, voici bien des années. On avait trouvé un cadavre d’homme dans la cave d’une maison vide ; il y eut une enquête, des hypothèses multiples, puis ce fut le silence, destinée commune à maints martyrs et confesseurs obscurs. Le fait est que son optimisme n’était pas assez solide. Il faut avoir un optimisme sauvage, tyrannique, impitoyable, à toute épreuve, comme celui de Horne, par exemple pour faire un bon révolté du type extrême.

M. X… se leva. Un garçon se précipitait pour lui apporter son pardessus, tandis qu’un autre lui tendait son chapeau.

— Qu’est devenue la jeune fille ? demandai-je.

— Vous tenez vraiment à le savoir ? répondit-il, en s’enveloppant chaudement dans sa pelisse. Je dois vous avouer que j’eus la petite malice de lui envoyer le