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L’intense émotion, sans doute, avait rendu sa voix rauque comme celle d’un corbeau. Cet enrouement passa tout de suite, mais la phrase fatale était sortie de sa gorge contractée comme un croassement discordant et ridicule. Il n’y avait rien à répondre : il s’était trahi. Pourtant, le faux officier jugea bon d’affîrmer rudement :

— « On l’emmènera assez vite, avec le reste de la bande. »

Telles furent les dernières paroles qui terminèrent l’épisode comique de l’affaire.

Oublieux de tout et de tous, Sevrin marcha vers l’inspecteur et saisit les revers de sa tunique. Sous le bleu de ses joues minces, on voyait le frémissement furieux de ses mâchoires.

— « Vous avez des hommes dans la rue ? Faites reconduire cette dame chez elle, sans tarder. Entendez-vous. Sur-le-champ. Avant d’essayer d’arrêter le bonhomme là-haut. »

— « Ah ! il y en a un autre en haut ? » ricana ouvertement l’officier. « Eh bien, on le fera descendre à temps pour assister à la fin de l’affaire. »

Sevrin, hors de lui, n’avait pas senti la raillerie.

— « Quel est le brouillon imbécile qui vous a envoyé tout déranger ici ? Vous n’avez pas compris vos ordres ! Vous ne savez donc rien ? C’est inconcevable… Tenez… »

Il lâcha la veste de l’autre et plongeant la main dans son gilet, chercha fébrilement quelque chose sous sa chemise. Il finit par en sortir une petite gaine carrée de cuir souple, qui devait être pendue à son cou, comme un scapulaire, par un ruban dont les bouts rompus tombaient de son poing.

— « Regardez là-dedans. », bredouilla-t-il, en lançant l’objet au visage de l’inspecteur. Puis il se retourna brusquement vers la jeune fille qui se tenait derrière