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marque une grande étendue de terrain par le sage ménagement des couleurs et de la lumière, et surtout par l’effet d’un grand jour qui tombe sur l’escalier d’un édifice.

Dans le vol des anges, on voit une légèreté la plus aisée et la plus libre du monde ; on diroit que le saint facilite cette rapidité par l’ardeur qu’il a d’être élevé dans le ciel, y tendant les bras et y portant la vue avec un transport divin, comme si l’impatience le pressoit extraordinairement. Sa tête est éclairée d’une lumière douce qui fait un agréable contraste avec la noirceur des cheveux. Les diverses parties de son corps reçoivent l’ombre et le jour avec toute l’économie que demandent leurs différentes situations au respect de la lumière, et selon cet art merveilleux qui les doit faire approcher ou reculer, ce qui se peut remarquer particulièrement au bras droit et à la main droite. La draperie rouge qui sert de manteau à cette figure forme plusieurs grands plis fort étendus, tant pour le ménagement du nu que pour celui des jours et des ombres qui s’y répandent. Comme le tissu de la robe paroît plus fin, les plis en sont beaucoup plus serrés. Cette draperie est de couleur verte, pour mieux relever les carnations vers le genou et vers la jambe, et son ombre ne sert pas seulement à mieux détacher le bras de l’ange qui est auprès, mais aussi à faire un contraste avec la lumière principale, qui règne avec une force dominante dans le tableau.

« La plus grande lumière[1] et la plus apparente domine généralement sur tout le tableau ; car c’est une règle que la plupart des fameux auteurs ont fort observée de n’avoir jamais deux commandants aux sujets que l’on veut traiter, et il n’y a point de partie, quelque inférieure qu’elle puisse être, qui n’ait dans son espèce la même autorité que la plus forte pourroit avoir. » Donc, chaque espèce a son commandant particulier, et il y a plus d’un commandant dans le sujet ; toutefois, il dit qu’il n’en faut jamais deux.

L’ange qu’on voit sous la draperie d’un bleu assez doux en fait paroître les carnations avec plus de grâce et de tendresse, quoiqu’il ne reçoive de clarté que par quelques échappées de lumière qui se répand sur ses bras et sur l’extrê-

  1. Guillet emprunte ici quelques lignes au discours de Nocret.