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M. Bourdon voyant la compagnie dans l’attente des remarques qu’il devoit faire sur cet ouvrage, commença son discours par un éloge qu’il fit du mérite de M. Poussin et de ses tableaux ; et, après avoir montré combien il lui étoit difficile d’expliquer assez dignement six parties principales qu’il a remarquées dans celui-ci, qui sont la lumière, la composition, la proportion, l’expression, les couleurs et l’harmonie du tout ensemble, il dit qu’il tâcheroit d’imiter les abeilles qui, trouvant un parterre émaillé d’une infinité de fleurs, en choisissent quelques-unes sur lesquelles elles prennent plaisir d’amasser le miel. Qu’ainsi il ne s’arrêteroit que sur quelques endroits des plus considérables de cet ouvrage, dont il croit tirer plus de fruit ; car, quoiqu’il n’y ait rien qui ne mérite d’être examiné, il ne peut pas entrer dans un détail si exact à cause du peu de temps qu’il a à parler.

Que, comme c’est la lumière qui découvre tous les objets et qui nous donne moyen de les considérer, c’est par elle aussi qu’il juge à propos de commencer à faire ces remarques, ne trouvant rien dans ce tableau qui d’abord surprenne davantage les yeux que ces beaux effets de jour que le peintre a si doctement représentés.

Qu’il a voulu figurer un matin, parce qu’il y a quelque apparence que Dieu choisit cette heure comme la plus belle et celle où les objets semblent plus gracieux, afin que ces nouveaux illuminés reçussent davantage de plaisir, en ouvrant les yeux, et que ce miracle fût plus manifeste et plus évident.

Il fit donc premièrement remarquer combien la qualité du jour, que le peintre a si bien représentée, donne d’éclat à tout son ouvrage ; car, comme le soleil doit être encore fort bas, puisque ses rayons ne frappent quasi qu’en ligne parallèle les montagnes et les autres corps qui lui sont exposés, on voit que le milieu du tableau est couvert d’une grande ombre à cause des bâtiments qui sont élevés sur diverses hauteurs, de sorte que tout ce qui sert de fond aux figures étant privé de la lumière, elles paroissent avec beaucoup plus de relief, de force et de beauté. Et comme sur les lieux qui paroissent les plus éminents, le jour y frappe en diverses manières et qu’il éclaire certaines parties de la montagne, des arbres et de plusieurs