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au travers de quelque ouverture de nuée qu’il suppose être au-dessus d’elles ; ce qu’il autorise assez par les autres nuages entr’ouverts qui sont dans le tableau.

Il fit considérer dans les effets du jour trois parties dignes d’être remarquées :

La première, une lumière souveraine qui est celle qui éclate davantage ; la seconde, une lumière glissante sur les objets ; et la troisième, une lumière perdue, et qui se confond par l’épaisseur de l’air.

C’est de la lumière souveraine qu’est éclairée l’épaule de cet homme qui est debout, et qui paroît surpris ; la tête de la femme qui donne sa mamelle, sa mère qui tète et le dos de cette autre femme qui se retourne et qui est vêtue de jaune. Il n’y a que le haut de ces figures qui soit illuminé de cette forte clarté, car le bas ne reçoit qu’un jour glissant, semblable à celui de la figure du malade, de celles du vieillard couché et du jeune homme qui aide à le relever, et encore de celles de ces deux garçons qui se battent, et de toutes les autres qui sont autour de la femme qui tourne le dos, desquelles la lumière est éteinte par l’épaisseur de l’air à proportion de leur éloignement.

Pour Moïse et ceux qui l’environnent, on voit qu’ils ne sont éclairés que d’une lumière éteinte par l’interposition de l’air qui se trouve dans la distance qu’il y a entre eux et les autres qui sont sur le devant du tableau, et qu’ils reçoivent encore moins de jour selon que chaque figure est plus éloignée, selon sa situation, et encore selon la couleur de ses vêtements, les uns étant plus capables que les autres de faire paroître avec plus de force la lumière qu’ils reçoivent.

Le jaune et le bleu étant les couleurs qui participent le plus de la lumière et de l’air, M. Poussin a vêtu ses principales figures d’étoffes jaunes et bleues ; et dans toutes les autres draperies il a toujours mêlé quelque chose de ces deux couleurs principales, faisant en sorte que le jaune y domine plus qu’aucune autre, à cause que la lumière qui est répandue dans son tableau est fort jaunâtre.

Après que M. le Brun eut cessé de faire toutes ces remarques, chacun les jugea non seulement très savantes et très judicieuses, mais encore très utiles pour connoître la beauté de