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force comme dans l’Hercule de Farnèse, parce que ce prince, qui étoit prêtre d’Apollon, n’étoit ni du tempérament d’Hercule, ni occupé à des travaux rudes et pénibles : ainsi il n’y avoit pas lieu de le représenter, ni si fort, ni si vigoureux. On ne lui a pas donné aussi les mêmes proportions qui se voient dans la figure de l’Apollon : car dans cette figure il y a une grâce et une majesté qui font voir que c’est un dieu qu’on a voulu représenter, et que tous ses membres sont plutôt composés pour figurer une beauté extraordinaire et l’image d’une divinité, que le corps d’un homme dont les parties ont plus besoin de force que de grâce pour les emplois nécessaires dans la vie.

Or c’est ce qui fut observé dans la statue du Laocoon, où l’on fit voir qu’elle représente parfaitement un homme bien fait, mais un homme déjà âgé, et un homme de qualité, de sorte qu’on peut la considérer comme un exemple accompli d’un corps naturel et d’un beau corps. Ce qui fut remarqué fort exactement dans tous ses membres, qui ne sont ni trop forts, ni trop foibles, mais où il paroît assez de muscles et assez de nerfs pour soutenir la chair, qui d’ailleurs les couvrant agréablement leur donne de la grâce, et fait qu’il n’y a point de sécheresse dans aucune des parties, qui ont pourtant un juste rapport à la complexion d’un homme déjà avancé en âge, et en qui la nature ne conserve plus cette même fraîcheur qui ne convient bien qu’aux jeunes gens.

Sa taille est belle, grande et noble. Sa tête a toutes les qualités qui représentent une personne de condition : elle est d’une forme qui approche de la rondeur ; son nez est carré, son front large, ses yeux bien fendus, sa bouche d’une moyenne grandeur ; et si les mouvements que la douleur cause sur tout son visage n’en avoient pas changé les traits, on y verroit les marques les plus belles et les plus naturelles d’un honnête homme.

Et parce que les bras longs et robustes[1], les coudes bien articulés sont les signes d’une personne de probité[2], et que les jambes fermes et nerveuses sont un témoignage de grand cœur[3], l’ouvrier qui a taillé cette figure de Laocoon

  1. Polemon.
  2. Adamantius.
  3. Aristote.