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le palais du pape à Belvédère[1]. C’est un chef-d’œuvre de l’art qui a été l’admiration des siècles passés aussi bien que de celui-ci, puisque du temps de Pline[2] il étoit regardé comme l’ouvrage le plus parfait qui fût dans Rome.

Cette excellente pièce où trois des plus fameux sculpteurs de la Grèce[3] ont déployé toute leur science, et fait paroître les secrets de l’art, fut trouvée sous les ruines du palais de Vespasien ; et depuis elle a été soigneusement conservée, et a servi de modèle aux plus savants sculpteurs et aux plus excellents peintres, qui ont eu raison d’en faire une étude particulière, puisque l’on y peut apprendre la véritable manière de bien dessiner, et que, pour représenter une beauté naturelle, les contours y sont mieux exprimés que dans toutes les autres statues antiques.

Il n’y eut personne qui ne convînt que c’est sur ce modèle qu’on peut apprendre à corriger même les défauts qui se trouvent d’ordinaire dans le naturel ; car tout y paroît dans un état de perfection, et tel qu’il semble que la nature feroit tous ses ouvrages, s’il ne se rencontroit des obstacles qui l’empêchent de leur donner une forme parfaite.

On reconnut encore que ce qui a rendu si recommandable cette figure, c’est la profonde science que l’ouvrier a fait paroître à bien représenter toutes les marques qui peuvent faire connoître la haute naissance de celui dont il a voulu faire l’image ; et le véritable état où il se trouva lorsqu’il fut dévoré par ces serpents qui, sortant du sein de la mer, se jetèrent sur lui et sur ses deux enfants.

Chacun disant son avis particulier sur ce rare ouvrage, on montra que Laocoon, étant fils du roi Priam et de la reine Hécube, on ne pouvoit figurer un corps qui convînt mieux à son âge et à sa naissance.

Car ce n’est point un corps dont les nerfs et les muscles soient trop marqués et trop ressentis, et où l’on voie autant de

  1. Bien que ce membre de phrase se trouve reproduit dans diverses éditions de Félibien, nous devons croire à une faute d’impression. Félibien ne pouvait ignorer que le Laocoon n’a pas été placé à Belvédère de la province de Cosenza ou de la province d’Ancône, mais bien au Vatican, dans le pavillon du Belvédère élevé par Bramante.
  2. Pline, liv. XXXVI, chap. v.
  3. Agesander, Polydore et Athénodore.