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tempérer ce qui sembleroit trop dur et trop sec par quelque chose de plus tendre et de plus moelleux.

L’on sait bien que tous les peintres n’ont pas travaillé dans cette perfection, et qu’il y en a plusieurs qui, ne songeant qu’à une partie, oublient les autres. C’est ce qui fait que dans leurs tableaux l’on voit des figures qui agissent à contre-temps, ou qui sont dans un trop grand repos. Que tout y paroît muet, ou que tout crie, et qu’enfin, en voulant donner beaucoup d’union à leurs couleurs, il se trouve que toutes les choses y sont d’une même teinte.

Raphaël a été si savant et si universel qu’il a été bien éloigné de commettre aucun de ces manquements, et il ne faut qu’avoir de bons yeux et un peu de jugement pour le connoître.

Ce n’est pas qu’il ne soit vrai que comme il faut beaucoup d’esprit et de savoir pour produire un ouvrage accompli, il ne soit aussi nécessaire de beaucoup de discernement pour juger de toutes les beautés qui contribuent à cette perfection. L’école de Florence enseignoit autrefois à ses disciples à donner plus de mouvement à leurs figures en les disposant de telle sorte que tous leurs membres fissent quelque action différente. Elle vouloit même que cette disposition de membres formât un contraste qui fît paroître une figure pyramidale et mouvante en façon de flamme, croyant qu’en imitant ainsi le mouvement du feu, il y avoit plus d’action dans les personnes qu’on représentoit. Ces enseignements ont été cause de ce que beaucoup de peintres qui les ont suivis trop exactement ont fait des compositions d’ouvrages bien extravagantes et bien opposées à celles de l’école de Rome, dont les préceptes sont bien plus judicieux.

Voilà pourquoi ceux qui ont entendu parler de ce mouvement pyramidal dans les membres se sont imaginé que les contours devoient toujours être enfoncés dans les parties opposées à celles qui sont élevées ; mais, s’ils s’instruisoient bien de l’anatomie, ils verroient de quelle façon les nerfs et les muscles enflent ou diminuent, et que leurs apparences sont très différentes selon que les corps sont ou plus maigres ou plus charnus.

Outre cela, il faut considérer l’action de la figure, car il