Page:Conférences de l'Académie royale de peinture et de sculpture.pdf/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Or il prétendoit que le dessus et le dessous du bras droit de saint Michel étoit dessiné de telle façon que les contours qui doivent être différents par un renflement qui paroisse dans la partie supérieure étoient entièrement égaux, et que le dessous qui devoit être diminué à l’égal de ce que le dessus étoit augmenté, avoit autant de force et de rondeur que la partie qui lui étoit opposée ; en sorte, disoit-il, que le contour de ce bras, dont le muscle devoit paroître en un endroit plus qu’en l’autre, étoit tracé par des lignes égales et semblables à celles qui formeroient un œuf.

Cette remarque, qui surprit toute la compagnie, et qui parut très importante, réveilla les esprits, et tout le monde ouvrant les yeux chercha si, en s’appliquant davantage à regarder ce tableau, il pourroit y découvrir ce qu’il n’avoit point encore aperçu.

Tous s’approchèrent pour le considérer plus exactement, et tous jugèrent que la chose n’étoit point dessinée comme ce particulier s’imaginoit de la voir. Un de l’assemblée remarqua très judicieusement que, comme il y a des peintres qui chargent trop les parties de leurs ouvrages, soit dans les contours, soit dans les expressions, soit dans l’union des couleurs, il ne faut pas s’étonner si quelquefois l’on ne voit pas d’abord dans les ouvrages les plus accomplis cette insensible diminution et cette conduite si industrieuse par laquelle ils passent d’une partie à une autre, qui est le grand et admirable secret de l’art.

Or il est vrai que c’est en quoi Raphaël a été un excellent maître, et un maître que peu de gens peuvent imiter. Aussi bien loin de reconnoître aucun défaut dans ce tableau, cette accusation donna lieu de l’admirer davantage, et fit que M. le Brun, rentrant dans un examen plus exact de plusieurs parties dont il n’avoit point parlé, y découvrit des beautés qui ne se trouvent guère ailleurs.

M. Perrault même, pour obliger davantage tout le monde à dire ses sentiments, demanda s’il est vrai que la nature soit si régulière dans la construction de toutes les parties du corps de l’homme, que jamais il ne se trouve aucun membre dont les contours ne puissent pas former deux lignes qui fassent paroître quelque rondeur, et si c’est une observation que l’on ait faite sur les antiques, et dans les tableaux des plus excel-