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Bien qu’il semble qu’en représentant les anges qui sont des êtres tout spirituels, on doive leur donner une forme délicate, et les faire paroître sous des corps qui aient cette sorte de beauté que les anciens sculpteurs ont si bien représentée dans la figure de l’Apollon antique, toutefois M. le Brun fit remarquer que Raphaël ayant à peindre saint Michel dans cette action qui exprime la force et la puissance de Dieu, il a donné à sa figure une beauté mâle et vigoureuse. Car encore que les traits de son visage et la carnation de son corps représentent parfaitement la délicatesse et la fraîcheur d’un jeune homme, l’on y reconnoît aussi une force et une majesté qui montrent quelque chose de puissant et de divin ; faisant voir dans les jointures des membres une vigueur extraordinaire, ce qui se connoît particulièrement aux coudes, aux genoux et aux doigts qui sont ressentis et articulés avec fermeté, qui ne paroît que dans les corps les plus robustes.

Aussi jamais peintre n’a su exprimer un sujet avec plus de grandeur, plus de beauté et plus de bienséance que Raphaël. Quelque fier et quelque terrible que paroisse le visage de saint Michel, on y voit pourtant beaucoup de douceur et de grâce. Ce que M. le Brun y observa fit encore mieux connoître son excellence, car il remarqua que le nez, large par le haut et un peu plus étroit en bas, est la partie qui fait paroître cette majesté qui éclate sur tout son visage : son front, large et ouvert par le milieu, est comme le siège de la grandeur de son esprit et de sa sagesse.

L’on voit une demi-teinte entre les deux sourcils, qui marque dans cette partie une disposition à se mouvoir en s’élevant en haut, ou en s’abaissant sur les yeux, comme il arrive d’ordinaire aux personnes capables de grands soins, et chargées d’affaires importantes et qui paroît encore lorsqu’on se met en colère. Mais cette marque n’est mise là que pour ne laisser pas le front trop uni, car cette partie demeure sans effet et sans mouvement, cet ange méprisant trop l’ennemi qu’il a renversé pour s’appliquer beaucoup à le vouloir vaincre. Ce que Raphaël a merveilleusement bien représenté par un certain dédain qui paroît dans ses yeux et dans sa bouche. Ses yeux qui sont médiocrement ouverts, et dont les sourcils forment deux arcs très parfaits sont une marque de sa tranquillité, de