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deviner ce que l’art de convertir les élémens en substances propres à notre usage doit devenir un jour ?

Mais en supposant que ce terme dût arriver, il n’en résulteroit rien d’effrayant, ni pour le bonheur de l’espèce humaine, ni pour sa perfectibilité indéfinie ; si on suppose qu’avant ce temps les progrès de la raison ayent marché de pair avec ceux des sciences et des arts, que les ridicules préjugés de la superstition, ayent cessé de répandre sur la morale, une austérité qui la corrompt et la dégrade au lieu de l’épurer et de l’élever ; les hommes sauront alors que, s’ils ont des obligations à l’égard des êtres qui ne sont pas encore, elles ne consistent pas à leur donner l’existence, mais le bonheur ; elles ont pour objet le bien-être général de l’espèce humaine ou de la société dans laquelle ils vivent ; de la famille à laquelle ils sont attachés ; et non la puérile idée de charger la terre d’êtres inutiles et malheureux. Il pourroit donc y avoir une limite à la masse possible des subsistances, et par conséquent à la plus grande population possible, sans qu’il en résultât cette