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et étouffer, sous le poids de la raison, les premiers germes de la superstition et de la tyrannie, si jamais ils osoient reparoître !

En parcourant l’histoire des sociétés, nous aurons eu l’occasion de faire voir que souvent il existe un grand intervalle entre les droits que la loi reconnoît dans les citoyens, et les droits dont ils ont une jouissance réelle ; entre l’égalité qui est établie par les institutions politiques, et celle qui existe entre les individus : nous aurons fait remarquer que cette différence a été une des principales causes de la destruction de la liberté dans les républiques anciennes, des orages qui les ont troublées, de la foiblesse qui les a livrées à des tyrans étrangers.

Ces différences ont trois causes principales : l’inégalité de richesse, l’inégalité d’état entre celui dont les moyens de subsistance, assurés pour lui-même, se transmettent à sa famille, et celui pour qui ces moyens sont dépendans de la durée de sa vie, ou plutôt de la partie de sa vie où il est capable de travail ; enfin, l’inégalité d’instruction.