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négligée, et pour laquelle les monumens nous offrent si peu de matériaux, qu’on doit sur-tout s’attacher dans ce tableau ; et, soit qu’on y rende compte d’une découverte, d’une théorie importante, d’un nouveau systême de lois, d’une révolution politique, on s’occupera de déterminer quels effets ont dû en résulter pour la portion la plus nombreuse de chaque société ; car c’est-là le véritable objet de la philosophie, puisque tous les effets intermédiaires de ces mêmes causes ne peuvent être regardés que comme des moyens d’agir enfin, sur cette portion qui constitue vraiment la masse du genre humain.

C’est en parvenant à ce dernier degré de la chaîne, que l’observation des événemens passés, comme les connoissances acquises par la méditation, deviennent véritablement utiles. C’est en arrivant à ce terme, que les hommes peuvent apprécier leurs titres réels à la gloire, ou jouir, avec un plaisir certain, des progrès de leur raison ; c’est-là qu’on peut juger seulement du véritable perfectionnement de l’espèce humaine.