Page:Condorcet Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain.djvu/264

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(256)

grès de la philosophie que dans les hommes qui l’ont cultivée, approfondie, perfectionnée ; il nous reste à faire voir quels ont été ses effets sur l’opinion générale, et comment, tandis que s’élevant enfin à la connoissance de la méthode certaine de découvrir, de reconnoître la vérité, la raison apprenoit à se préserver des erreurs, où le respect pour l’autorité et l’imagination l’avoient si souvent entraînée : elle détruisoit en même-temps, dans la masse générale des individus, les préjugés qui ont si long-temps affligé et corrompu l’espèce humaine.

Il fut enfin permis de proclamer hautement ce droit si long-temps méconnu, de soumettre toutes les opinions à notre propre raison, c’est-à-dire, d’employer, pour saisir la vérité, le seul instrument qui nous ait été donné pour la reconnoître. Chaque homme apprit, avec une sorte d’orgueil, que la nature ne l’avoit pas absolument destiné à croire sur la parole d’autrui ; et la superstition de l’antiquité, l’abaissement de la raison devant le délire d’une foi surnaturelle, disparurent de la société comme de la philosophie.