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sorte, une barrière éternelle entre le genre humain et les vieilles erreurs de son enfance ; qui doit l’empêcher d’être jamais ramené à son ancienne ignorance par des préjugés nouveaux, comme il assure la chute de tous ceux que nous conservons, sans peut-être les connoître tous encore ; de ceux même qui pourront les remplacer, mais pour ne plus avoir qu’une foible influence et une existence éphémère.

Cependant, en Allemagne, un homme d’un génie vaste et profond jetoit les fondemens d’une doctrine nouvelle. Son imagination ardente, audacieuse, ne put se reposer dans une philosophie modeste, qui laissoit subsister des doutes sur ces grandes questions de la spiritualité, ou de la persistance de l’ame humaine, de la liberté de l’homme ou de celle de Dieu, de l’existence de la douleur et du crime dans un univers gouverné par une intelligence toute-puissante, dont la sagesse, la justice et la bonté semblent devoir les exclure. Il trancha le nœud qu’une sage analyse n’auroit pu dénouer. Il composa l’univers d’êtres simples, indestructibles, égaux par leur nature. Les rap-