Page:Condorcet Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain.djvu/239

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(231)

Il vouloit étendre sa méthode à tous les objets de l’intelligence humaine ; Dieu, l’homme, l’univers étoient tour à tour le sujet de ses méditations. Si dans les sciences physiques, sa marche est moins sûre que celle de Galilée, si sa philosophie est moins sage que celle de Bacon, si on peut lui reprocher de n’avoir pas assez appris par les leçons de l’un, par l’exemple de l’autre, à se défier de son imagination, à n’interroger la nature que par des expériences, à ne croire qu’au calcul, à observer l’univers, au lieu de le construire, à étudier l’homme, au lieu de le deviner ; l’audace même de ses erreurs servit aux progrès de l’espèce humaine. Il agita les esprits, que la sagesse de ses rivaux n’avoit pu réveiller. Il dit aux hommes de secouer le joug de l’autorité, de ne plus reconnoître que celle qui seroit avouée par leur raison ; et il fut obéi, parce qu’il subjuguoit par sa hardiesse, qu’il entraînoit par son enthousiasme.

L’esprit humain ne fut pas libre encore, mais il sut qu’il étoit formé pour l’être. Ceux qui osèrent s’opiniâtrer à lui conserver ses