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soumis à la même contrainte. Puisqu’ils auroient été toujours obligés de paroître croire des absurdités qu’ils rejetoient, ils ne trouvèrent pas un grand avantage à en diminuer un peu le nombre ; ils craignirent même de se donner, par leur abjuration, l’apparence d’une hypocrisie volontaire : et, en restant attachés à la vieille religion, ils la fortifièrent de l’autorité de leur renommée.

L’esprit, qui animoit les réformateurs, ne conduisoit pas à la véritable liberté de penser. Chaque religion, dans le pays où elle dominoit, ne permettoit que de certaines opinions. Cependant, comme ces diverses croyances étoient opposées entre elles, il y avoit peu d’opinions qui ne fussent attaquées ou soutenues dans quelques parties de l’Europe. D’ailleurs les communions nouvelles avoient été forcées de se relâcher un peu de la rigueur dogmatique. Elles ne pouvoient, sans une contradiction grossière, réduire le droit d’examiner dans des limites trop resserrées ; puisqu’elles venoient d’établir sur ce même droit la légitimité de leur séparation. Si elles refu-