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moines, tantôt inventant d’anciens miracles, tantôt en fabriquant de nouveaux, et nourrissant de fables et de prodiges l’ignorante stupidité du peuple, qu’ils trompoient pour le dépouiller ; des docteurs, employant tout ce qu’ils avoient d’imagination, pour enrichir leur croyance de quelque absurdité nouvelle, et renchérir en quelque sorte sur celles qui leur avoient été transmises ; des prêtres forçant les princes à livrer aux flammes, et les hommes qui osoient, ou douter d’un seul de leurs dogmes, ou entrevoir leurs impostures, ou s’indigner de leurs crimes, et ceux qui s’écartoient un moment d’une aveugle obéissance, enfin, jusqu’aux théologiens eux-mêmes, quand ils se permettoient de rêver autrement que des chefs plus accrédités dans l’église… Tels sont, dans cette époque, les seuls traits que les mœurs de la partie occidentale de l’Europe, puissent fournir au tableau de l’espèce humaine.

Dans l’Orient, réuni sous un seul despote, nous verrons une décadence plus lente suivre l’affoiblissement graduel de l’empire ; l’ignorance et la corruption de chaque siècle l’emporter de quelques degrés sur l’igno-