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apprentissage, ils pouvoient opprimer avec impunité, et tuer sans péril l’homme du peuple, qui n’étoit pas assez riche pour se procurer ces armures coûteuses, et dont la jeunesse, réclamée par des travaux utiles, n’avoit pu être consacrée aux exercices militaires.

Ainsi la tyrannie du petit nombre avoit acquis, par l’usage de cette manière de combattre, une supériorité réelle de force, qui devoit prévenir toute idée de résistance, et rendre long-temps inutiles les efforts mêmes du désespoir : ainsi l’égalité de la nature avoit disparu devant cette inégalité factice des forces physiques.

La morale, enseignée par les prêtres seuls, renfermoit ces principes universels qu’aucune secte n’a méconnus ; mais elle créoit une foule de devoirs purement religieux, de péchés imaginaires. Ces devoirs étoient plus fortement recommandés que ceux de la nature ; et des actions indifférentes, légitimes, souvent même vertueuses, étoient plus sévèrement reprochées et punies que des crimes réels. Cependant un moment de repentir,