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cet esprit de doute, qui soumet à l’examen sévère de la raison, et les faits et leurs preuves. En parcourant dans leurs écrits, l’histoire des événemens ou des mœurs, celle des productions et des phénomènes de la nature, ou des produits et des procédés des arts, on s’étonne de les voir raconter avec tranquillité les absurdités les plus palpables, les prodiges les plus révoltans. Un on dit, on rapporte, placé au commencement de la phrase, leur paroît suffire pour se mettre à l’abri du ridicule d’une crédulité puérile. C’est sur-tout au malheur d’ignorer encore l’art de l’imprimerie, qu’on doit attribuer cette indifférence, qui a corrompu chez eux l’étude de l’histoire, et qui s’est opposée à leurs progrès dans la connoissance de la nature. La certitude d’avoir rassemblé sur chaque fait toutes les autorités, qui peuvent le confirmer ou le détruire, la facilité de comparer les divers témoignages, de s’éclairer par les discussions, que fait naître leur différence, tous ces moyens de s’assurer de la vérité, ne peuvent exister, que lorsqu’il est possible d’avoir un grand nombre de livres, d’en multiplier indéfiniment les copies, de ne pas craindre de leur donner trop d’étendue.