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religion chrétienne faisoit des progrès rapides. L’avilissement des anciens conquérans du monde s’étendoit sur les dieux, qui, après avoir présidé à leurs victoires, n’étoient plus que les témoins impuissans de leurs défaites. L’esprit de la nouvelle secte convenoit mieux à des temps de décadence et de malheur. Ses chefs, malgré leurs fourberies et leurs vices, étoient des enthousiastes prêts à périr pour leur doctrine. Le zèle religieux des philosophes et des grands, n’étoit qu’une dévotion politique : et toute religion qu’on se permet de défendre comme une croyance qu’il est utile de laisser au peuple, ne peut plus espérer qu’une agonie plus ou moins prolongée. Bientôt le christianisme devient un parti puissant ; il se mêle aux querelles des Césars ; il met Constantin sur le trône, et s’y place lui-même, à côté de ses foibles successeurs.

En vain un de ces hommes extraordinaires, que le hasard élève quelquefois à la souveraine puissance, Julien, voulut délivrer l’empire de ce fléau, qui devoit en accélérer la chute : ses vertus, son indul-