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avoient de grands traits de ressemblance, et en quelque sorte un air de famille. Point de dogmes métaphysiques, beaucoup de cérémonies bizarres qui avoient un sens ignoré du peuple, et souvent même des prêtres ; une mythologie absurde, où la multitude ne voyoit que l’histoire merveilleuse de ses dieux, où les hommes plus instruits soupçonnoient l’exposition allégorique de dogmes plus relevés ; des sacrifices sanglans, des idoles qui représentoient les dieux, et dont quelques-unes, consacrées par le temps, avoient une vertu céleste ; des pontifes dévoués au culte de chaque divinité, sans former un corps politique, sans même être réunis dans une communion religieuse ; des oracles attachés à certains temples, à certaines statues ; enfin des mystères, que leurs hiérophantes ne communiquoient qu’en imposant la loi d’un inviolable secret. Tels étoient ces traits de ressemblance.

Il faut y ajouter encore que les prêtres, arbitres de la conscience religieuse, n’avoient jamais osé prétendre à l’être de la conscience morale ; qu’ils dirigeoient la pratique du culte, et non les actions de la vie privée.