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Nous montrerons, comment le respect pour le droit positif des Romains, a contribué à conserver quelques idées du droit naturel des hommes, pour empêcher ensuite ces idées de s’agrandir et de s’étendre ; comment nous avons dû au droit romain un petit nombre de vérités utiles, et beaucoup plus de préjugés tyranniques.

La douceur des lois pénales, sous la république, mérite de fixer nos regards. Elles avoient en quelque sorte rendu sacré le sang d’un citoyen romain. La peine de mort ne pouvoit être portée contre lui, sans cet appareil d’un pouvoir extraordinaire, qui annonçoit les calamités publiques et le danger de la patrie. Le peuple entier pouvoit être réclamé pour juge, entre un seul homme et la république. On avoit senti que cette douceur est, chez un peuple libre, le seul moyen d’empêcher les dissensions politiques de dégénérer en massacres sanguinaires ; on avoit voulu corriger, par l’humanité dans les lois, la férocité des mœurs d’un peuple qui, même dans ses jeux, prodiguoit le sang de ses esclaves : aussi, en s’arrêtant au temps des Gracques, jamais, dans au-