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conserver, d’y déployer les mêmes facultés, et d’y trouver les mêmes ressources.

Le premier état de civilisation où l’on ait observé l’espèce humaine, est celui d’une société peu nombreuse d’hommes subsistant de la chasse et de la pêche, ne connoissant que l’art grossier de fabriquer leurs armes et quelques ustensiles de ménage, de construire ou de se creuser des logemens, mais ayant déjà une langue pour se communiquer leurs besoins, et un petit nombre d’idées morales, dont ils déduisent des règles communes de conduite, vivant en familles, se conformant à des usages généraux qui leur tiennent lieu de lois, et ayant même une forme grossière de gouvernement.

On sent que l’incertitude et la difficulté de pourvoir à sa subsistance, l’alternative nécessaire d’une fatigue extrême et d’un repos absolu, ne laissent point à l’homme ce loisir, où, s’abandonnant à ses idées, il peut enrichir son intelligence de combinaisons nouvelles. Les moyens de satisfaire à ses besoins sont même trop dépendans du hasard et des saisons, pour exciter utilement une