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VIE DE VOLTAIRE.

Enfin, il entreprit de rassembler, sous la forme de dictionnaire, toutes les idées, toutes les vues qui s’offraient à lui, sur les divers objets de ses réflexions, c’est-à-dire, sur l’universalité presque entière des connaissances humaines. Dans ce recueil, intitulé modestement : Questions à des amateurs, sur l'Encyclopédie, il parle tour à tour de théologie et de grammaire, de physique et de littérature ; il discute tantôt des points d’antiquité, tantôt des questions de politique, de législation, de droit public : son style, toujours animé et piquant, répand sur ces objets divers un charme dont jusqu’ici lui seul a connu le secret, et qui naît surtout de l’abandon avec lequel, cédant à son premier mouvement, proportionnant son style moins à son sujet qu’à la disposition actuelle de son esprit, tantôt il répand le ridicule sur des objets qui semblent ne pouvoir inspirer que l’horreur ; et, bientôt après, entraîné par l’énergie et la sensibilité de son âme, il tonne avec force contre les abus dont il vient de plaisanter. Ailleurs, il s’irrite contre le mauvais goût, s’aperçoit bientôt que son indignation doit être réservée pour de plus grands intérêts, et finit par rire de sa propre colère. Quelquefois il interrompt une discussion de morale ou de politique par une observation de littérature, et au milieu d’une leçon de goût, il laisse échapper quelques maximes d’une philosophie profonde, ou s’arrête, pour livrer au fanatisme ou à la tyrannie une attaque terrible ou soudaine.

L’intérêt constant que prit Voltaire au succès de la Russie contre les Turcs, mérite d’être remarqué.