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le désordre se mettoit successivement dans toutes les fortunes ; et toutes les conditions, de proche en proche, se confondoient, par les efforts mêmes qu’elles faisoient pour se distinguer. Aux mouvements qu’on se donnoit, il paroissoit qu’on avoit des desirs immenses ; et aux frivolités dont on se contentoit, il paroissoit qu’on étoit sans desirs. Le caprice donnoit du prix aux plus petites choses. Si on n’en jouissoit pas, on vouloit paroître en jouir, parce qu’on supposoit que d’autres en jouissoient ; sans passion, on en prenoit le langage, et on se passionnoit ridiculement sur tout. De quelque maniere qu’on fût affecté, il falloit obéir aux caprices de la mode. Unique regle du goût et du sentiment, elle prescrivoit à chacun ce qu’il devoit desirer, dire, faire et penser : car penser étoit la derniere chose. Dans ce désordre, on déclamoit contre la finance, parce que les financiers avoient