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des jugemens, & les lier en observant la dépendance où ils sont les uns des autres. Or ce jeune homme n’a pu le faire, tant qu’il n’a pas eu l’usage des conjonctions, ou des particules qui expriment les rapports des différentes parties du discours. Il étoit donc naturel qu’il ne tirât pas de la comparaison de ses idées tout ce qu’il semble qu’il en auroit pu tirer. Sa réflexion, qui n’avoit pour objet que des sensations vives ou nouvelles, n’influoit point dans la plûpart de ses actions, & que fort peu dans les autres. Il ne se conduisoit que par habitude & par imitation, sur tout dans les choses qui avoient moins de rapport à ses besoins. C’est ainsi que faisant ce que la dévotion de ses parens exigeoit de lui, il n’avoit jamais songé au motif qu’on pouvoit avoir, & ignoroit qu’il y dût joindre une intention. Peut-être même l’imitation étoit-elle d’autant plus exacte, que la réflexion ne l’accompagnoit point ; car les distractions doivent être moins fréquentes dans un homme qui sait peu réfléchir.