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des signes. Si, après avoir donné un nom à l’unité, nous n’en imaginions pas, successivement, pour toutes les idées que nous formons par la multiplication de cette première ; il nous seroit impossible de faire aucun progrès dans la connoissance des nombres. Nous ne discernons différentes collections, que parce que nous avons des chifres qui sont eux-mêmes fort distincts. Otons ces chifres, ôtons tous les signes en usage, & nous nous appercevrons qu’il nous est impossible d’en conserver les idées. Peut-on seulement se faire la notion du plus petit nombre, si l’on ne considère pas plusieurs objets, dont chacun soit comme le signe auquel on attache l’unité ? Pour moi, je n’apperçois les nombres deux ou trois, qu’autant que je me représente deux ou trois objets différens. Si je passe au nombre quatre, je suis obligé, pour plus de facilité, d’imaginer deux objets d’un côté & deux de l’autre : à celui de six, je ne puis me dispenser de les distribuer deux à deux