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Supposons d’un autre côté un romain qui, quoique sensible à la gloire de sa famille & au salut de la république, eut néanmoins éprouvé des passions beaucoup plus foibles que le vieil Horace ; il me paroît qu’il auroit presque conservé tout son sang froid. Les sentimens produits en lui par l’honneur & par l’amour de la patrie, l’auroient affecté plus foiblement, & chacun à peu près dans un égal dégré. Cet homme n’auroit pas été porté à exprimer l’un plutôt que l’autre ; ainsi il auroit été naturel qu’il les eût fait connoître dans tout leur détail. Il auroit dit combien il souffroit de voir la ruine de la république, & la honte dont son fils venoit de se couvrir ; il auroit défendu qu’il osât jamais se présenter devant lui ; &, au lieu d’en souhaiter la mort, il auroit seulement jugé qu’il eût mieux valu pour lui avoir le sort de ses frères.

Quoi qu’on entende par enthousiasme, il suffit de savoir qu’il est opposé au sang froid, pour remarquer que ce n’est que dans l’enthousiasme qu’on peut se mettre à la place du vieil