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qu’il reçoit, quand il apprend la fuite de son fils, est un assemblage confus de tous les sentimens que peuvent produire l’amour de la patrie & celui de la gloire, portés au plus haut point ; jusques-là qu’il ne doit pas regretter la perte de deux de ses fils, & qu’il doit souhaiter que le troisiéme eût également perdu la vie. Voilà les sentimens dont il est agité : mais les exprimera-t-il dans tout leur détail ? Non : ce n’est pas le langage des grandes passions. Il ne se contentera pas non plus d’en faire connoître un des moins vifs. Il préférera naturellement celui qui agit en lui avec le plus de violence, & il s’y arrêtera, parce que par la liaison qu’il a avec les autres, il les renferme suffisamment. Or, quel est ce sentiment ? C’est de souhaiter que son fils fût mort : car un pareil desir ou n’entre point dans l’ame d’un père, ou, quand il y entre, il doit seul en quelque sorte la remplir. C’est pourquoi, lorsqu’on lui demande ce que son fils pouvoit faire contre trois, il doit répondre, qu’il mourut.