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prise dans un sens trop vague. Dira-t-on que la nature nous a fait un présent digne d’une marâtre, lorsqu’elle nous a donné les moyens de diriger sagement les opérations de notre ame ? Une pareille pensée pourroit-elle tomber dans l’esprit ? Dira-t-on que, quand l’ame ne seroit pas douée de toutes les opérations dont nous avons parlé, elle n’en seroit que plus heureuse ; parce qu’elles sont la source de ses peines par l’abus qu’elle en fait ? Que ne reprochons-nous donc à la nature de nous avoir donné une bouche, des bras & d’autres organes, qui sont souvent les instrumens de notre propre malheur. Peut-être que nous voudrions n’avoir de vie, qu’autant qu’il en faut pour sentir que nous existons ; & que nous abandonnerions volontiers toutes les opérations qui nous mettent si fort au-dessus des bêtes, pour n’avoir que leur instinct.

§. 94. Mais, dira-t-on, quel est l’usage que nous devons faire des opérations de l’ame ? Avec quels