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nos maux, nous en donne que nous n’avions pas, & finit par nous porter le poignard dans le sein.

Pour rendre raison de ces effets, je dis d’abord que, les sens agissant sur l’organe de l’imagination, cet organe réagit sur les sens. On ne le peut révoquer en doute : car l’expérience fait voir une pareille réaction dans les corps les moins élastiques. Je dis, en second lieu, que la réaction de cet organe est plus vive que l’action des sens ; parce qu’il ne réagit pas sur eux avec la seule force que suppose la perception qu’ils ont produite, mais avec les forces réunies de toutes celles qui sont étroitement liées à cette perception, & qui, pour cette raison, n’ont pu manquer de se réveiller. Cela étant, il n’est pas difficile de comprendre les effets de l’imagination. Venons à des exemples.

La perception d’une douleur réveille, dans mon imagination, toutes les idées avec lesquelles elle a une liaison étroite. Je vois le danger, la frayeur me saisit, j’en suis abbatu,