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qui se soit faite subitement dans son esprit, ou par une longue application à une espèce particulière de pensées, il arrive que des idées incompatibles soient jointes si fortement ensemble dans son esprit, qu’elles y demeurent unies. »

§. 82. Pour comprendre combien cette réflexion est juste, il suffit de remarquer que, par le physique, l’imagination & la folie ne peuvent différer que du plus au moins. Tout dépend de la vivacité & de l’abondance avec laquelle les esprits se portent au cerveau. C’est pourquoi, dans les songes, les perceptions se retracent si vivement, qu’au réveil on a quelquefois de la peine à reconnoître son erreur. Voilà certainement un moment de folie. Afin qu’on restât fou, il suffiroit de supposer que les fibres du cerveau eussent été ébranlées avec trop de violence pour pouvoir se rétablir. Le même effet peut être produit d’une manière plus lente.

§. 83. Il n’y a, je pense, personne, qui, dans des momens de désœuvrement, n’imagine quelque roman