Page:Conan - L'obscure souffrance (suivi de Aux Canadiennes), 1919.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
L'OBSCURE SOUFFRANCE

me pénétrait à la pensée de la tombe. Et dans mon angoisse, je me disais : « Si j’avais été heureuse, que serait-ce donc ? »

Dans notre condition mortelle, la douleur nous est nécessaire. C’est évident. Mais la joie l’est-elle moins ? À quoi servirait la pluie sans les chauds rayons du soleil ? Et que peut-on espérer d’une vie toute de tristesses ? Je me le demande souvent, trop souvent même. À quoi bon ? Ne faut-il pas me résigner à voir tout languir, tout dépérir dans mon âme. Dans l’ordre spirituel, comme dans l’ordre naturel, n’y a-t-il pas une atmosphère où rien ne vit, où toute flamme s’éteint ? Chose triste à penser. La flamme est si belle. Qui n’aime à la voir briller au foyer ?


15 mai.



Le foyer ! D’aussi loin que je me rappelle, je retrouve le même intérieur, froid et troublé, la même douloureuse vie de famille. J’en ai toujours souffert, mais il y a des peines qui vont s’aggravant. Oh ! quelle âcre et corrosive tristesse certaines larmes déposent au