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L'OBSCURE SOUFFRANCE

le voudrait, mais comme on le peut. Il n’y a pas d’être humain qui n’ait rien à faire, rien à donner. Faire le bien qui me plairait, beau mérite !

Qu’importe à moi et aux autres l’éclat de mes œuvres ? La volonté de Dieu fait tout le prix de nos actes. Dans les contraintes de ma vie obscure, abaissée, exercée, harcelée, je puis être plus utile au monde que la pluie, le soleil et la rosée. Laissons à d’autres la passion de l’action bienfaisante.

Saint François de Sales disait à ses pénitents : « Ne semez pas vos désirs sur le jardin d’autrui, cultivez seulement bien le vôtre. »

Voilà ce qu’il faudrait faire, même quand on se croit condamnée à pétrir la boue, à ne voir jamais que de la terre aride.

Suis-je des plus malheureuses ?… Je vais m’endormir sans faim, sans douleurs aiguës. Combien languissent, dévorées par la souffrance ! Combien vont mourir cette nuit ! Mourir !… Pourquoi cette pensée m’attriste-t-elle ? Qu’est-ce que j’attends sur la terre ? Des jours semblables à ceux que j’y ai passés. Cela rend-il le détachement bien difficile ?