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L'OBSCURE SOUFFRANCE

autant de bonheur dans l’amour triomphant que dans l’amour suppliant. »

— Une masse de convenances nous entraînent, poursuivit Mlle  R… et nous allons à notre tâche. Croyez-vous qu’il y ait chez nous un grand fonds d’idées exaltées ?

— Quant aux sentiments, oui, lui dis-je.

— Pauvre nous ! fit-elle, avec son joli rire. La réalité est si pauvre. Autant vaut peut-être un mariage de convenance. Du moins je n’aurai pas les cruels mécomptes des grandes amoureuses. Et, qui sait ? Si j’avais lu moins de romans, peut-être que je me trouverais heureuse, dit-elle, se levant pour partir.

Cette conversation m’a fait réfléchir. Je rangeais Hermine R… parmi les privilégiées et, maintenant, je ne puis m’empêcher de la plaindre un peu. J’ai tort peut-être.

Elle aura une large existence, la considération qui s’attache à la fortune. Elle sera parmi les plus dignes, les plus honorées. Le bonheur, c’est de manger son pain vis-à-vis de quelqu’un qu’on aime plus que soi-même.

Mais on ne peut tout avoir.