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L'OBSCURE SOUFFRANCE

Ce matin, j’assistais à la messe, et hélas ! j’étais bien loin, quand le sursum corda a frappé mon oreille. J’en ai ressenti une émotion profonde, un ébranlement puissant et délicieux.

Quel phénomène que ce désir de s’arrêter à la terre qui croule en poussière. Quoi ! ne saurait-on accepter la vie telle qu’elle est ? Ne saurait-on s’aider de sa raison et de sa foi ? Voici la plus belle partie de ma jeunesse écoulée, oui, écoulée à jamais. Qu’en ai-je fait ? Cette forte et généreuse sève du printemps, à quoi m’a-t-elle servi, sinon à nourrir ce qui est déjà mort ou ce qui devrait l’être ?

Je pense à cela souvent et je voudrais un peu de courage. On n’appauvrit pas un arbre en enlevant ses feuilles flétries, en retranchant ses branches folles.

Au contraire, ceux qui cultivent les plantes savent comme on les affaiblit en laissant la sève se consumer inutilement. Et ceux qui cultivent les âmes, que ne savent-ils pas ? Qui peut dire jusqu’à quel point on se débilite dans les vains espoirs et les vains regrets ?