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donner du pain à ses petits orphelins. Vaillante femme !

J’aime me la représenter soupant fièrement d’un morceau de pain noir, sa rude journée finie. J’ai d’elle une lettre écrite après la cession, et trouvée parmi de vieux papiers de famille, sur lesquels mon père avait réussi à mettre la main lors de son voyage en France. C’est une fière lettre.

« Ils ont donné tout le sang de leurs veines, dit-elle, en parlant de son mari et de ses fils, moi, j’ai donné celui de mon cœur ; j’ai versé toutes mes larmes. Mais ce qui est triste, c’est de savoir le pays perdu. »

La noble femme se trompait. Comme disait le chevalier de Lorimier, à la veille de monter sur l’échafaud : « Le sang et les larmes versés sur l’autel de la patrie sont une source de vie pour les peuples », et le Canada vivra. Ah ! j’espère.

Malgré tout, nos ancêtres n’ont-ils pas gardé de leur noble mère, la langue, l’honneur et la foi.

Mon père aimait à revenir sur nos souvenirs de deuil et de gloire. Il avait pour Garneau, qui a mis tant d’héroïsme en