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Tant que j’avais eu sous les yeux son visage adoré, une force mystérieuse m’avait soutenue. Sa main, sa chère main, qui m’avait bénie, reposa jusqu’au dernier moment dans la mienne — elle était tiède encore quand je la joignis à sa main gauche qui tenait le crucifix. — Dans une paix très amère, j’embrassais son visage si calme, si beau, et pour lui obéir même dans la mort, sans cesse je répétais : « Que la volonté de Dieu soit faite ! »

Mais quand je ne vis plus rien de lui, pas même son cercueil, l’exaltation du sacrifice tomba. Sans pensées, sans paroles, sans larmes, incapable de comprendre aucune chose et de supporter même la lumière du jour, je passais les jours et les nuits, étendue sur mon lit, tous les volets de ma chambre fermés. Pendant que je gisais dans cet abattement qui résistait à tout, et ne laissait plus d’espoir, tout à coup une voix s’éleva douce comme celle d’un ange. Malgré mon état de prostration extrême, le chant m’arrivait, mais voilé, comme de très loin. Et le poids funèbre qui m’écrasait, se soulevait ;