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yeux, entourée, pénétrée par sa chaude tendresse. Quels soins ne prenait-il pas pour me rendre l’étude agréable. Il voulait que je grandisse heureuse, joyeuse, dans la liberté de la campagne, parmi la verdure et les fleurs, et pour cela il ne recula pas devant le sacrifice de ses goûts et de ses habitudes.

La vue de ces cahiers m’a profondément touchée. J’ai pleuré longtemps. Ô le bienfait des larmes ! Parfois, cette divine source tarit absolument. Alors, je demeure plongée dans une morne tristesse. Vainement ensuite, je cherche mes bons sentiments, mes courageuses résolutions. La douleur, cette virile amie, élève et fortifie, mais la tristesse dévaste l’âme. Comment se garantir de cette langueur consumante ?

Je ne vis guère dans le présent, et pour ne pas voir l’avenir, qui m’apparaît comme une morne et désolée solitude, je songe au passé tout entier disparu. Ainsi le naufragé, qui n’a que l’espace devant lui, se retourne, et dans sa mortelle détresse, interroge la mer où ne flotte plus une épave.

Oui, tout a disparu. Ô mon Dieu, laissez-moi l’amère volupté des larmes !