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repose Véronique Désileux. Sa servante me dit qu’elle passait souvent ici des heures entières. Comme tous les condamnés à l’isolement, elle aimait la vue de la nature, et peut-être aussi celle du cimetière.

Parmi les morts qui dorment là, en est-il un qui ait souffert plus qu’elle !

Saura-t-on jamais ce qui s’amasse de tristesses et de douleurs dans l’âme des malheureux condamnés à être toujours et partout ridicules ? Que sont les éclatantes infortunes comparées à ces vies toutes de rebuts, d’humiliations, de froissements ? Et c’était une âme ardente ! Ah ! mon Dieu !

Que je regrette de n’être pas venue la voir ! Ma présence eût adouci ses derniers jours. Nous aurions parlé de mon père ensemble. La malheureuse l’aimait, et rien dans les sentiments des heureux du monde ne peut faire soupçonner jusqu’où.

Quand ces pauvres cœurs toujours blessés, toujours méprisés, osent aimer, ils adorent. Jamais elle ne s’est remise de la nouvelle de sa mort, et je ne puis penser, sans verser des larmes, à l’accablement mortel où elle resta plongée.